L’éléphant
Quatre aveugles discutaient autour d’un éléphant paisiblement debout dans les jardins d’un cirque.
Le premier, de se deux mains, entoura une jambe du puissant pachyderme.
- « L’éléphant, dit-il, est un animal en forme de colonne, comme celles qui soutiennent les temples de nos divinités. »
- « Non, dit le second en saisissant la trompe. C’est une bête longue, comme un serpent boa, faite comme les tuyaux de roseau qui arrosent nos jardins. »
- « Pas du tout, dit le troisième, s’accrochant à une oreille, c’est un animal tout plat et large, comme une feuille de bananier géante, ou comme les éventails que balancent les serviteurs pour éventer les maharadjas. »
- « Vous n’y êtes pas, lâcha le quatrième qui tentait vainement d’attraper la queue du mastodonte, cette bête n’est qu’un fouet que le maître utilise pour battre son esclave. Ou encore un chasse mouches réservé à nos princes. »
Le ton montait. Un homme sage passant par là entendit la discussion et s’approcha.
Les aveugles le prirent à témoin pour le prier de les éclairer.
- « Le premier d’entre vous a tort. L’éléphant n’est pas fait telle une colonne de temple. »
Les trois autres se réjouirent alors.
- « Le second d’entre vous est également dans l’erreur. L’animal n’est pas un serpent non plus. »
Les deux autres aveugles se réjouirent alors.
- « Le troisième d’entre vous n’est pas plus inspiré. La bête ne tient ni du bananier ni de l’éventail. »
Le quatrième aveugle exulta alors, certain d’avoir raison.
- « Le quatrième d’entre vous est aussi ignorant que les trois autres. Ce n’est pas le fouet non plus, celui que vous mériteriez à vouloir tous posséder la vérité. L’éléphant est un peu de tout cela. »
Ainsi se querellent les hommes d’esprit étroit, qui ne voient qu’un aspect de la divinité.
Cette histoire racontée par Ramakrisna m’inspire la réflexion suivante :
Ne sommes-nous pas ces aveugles qui bataillons pour imposer notre image d’une divinité, qui est une parcelle de chacun d’entre nous, un morceau de vérité que, chacun, nous possédons. Nos cinq sens ne nous permettent qu’une appréhension parcellaire de notre univers, la science le prouve chaque jour. N’est-ce pas la sagesse que laisser une porte ouverte vers l’inimaginable (cf « vendredi 29 août ») ?
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