DANS LES SABLES MOUVANTS
On ne peut y croire, ce sable qui fonce sous nous sans qu’on y prenne garde. Sûr que le sable est dur, mille fois on a marché sur les plages et jamais ressenti cette sensation, presque douce au début. Puis vient la première constatation réaliste : on ne peut plus bouger. Un simple cri, petit cri, de surprise. Un premier appel et bien sûr quelqu’un accourt mais déjà il ne peut plus nous sortir. Alors on réalise. D’autant mieux qu’une seule personne, au loin, là-bas, détachée, par un simple regard vous fait oublier la dramatique situation dans laquelle on se débat. Elle se pose, insouciante, et vous parle, et vous parlez, comme si de rien n’était. Et on se sentirait bête de lui montrer que nos jambes, nos pieds ne peuvent plus remuer. On sourit, même on rit, on la retient d’un bon mot. Mais lorsqu’elle a filé, du genou le sable a gagné la cuisse. Alors copains ! Dites moi que je vais m’en sortir, donnez moi la main, tirez moi copains. Et les copains répondent, et donnent, et tirent. En vain. Alors elle revient, plus grande, plus forte, nous plus bas, plus maigre. On voudrait parfois lui dire de ne plus revenir. Mais mourir avec elle est plus doux que vivre sans. On analyse. Putain de sable, c’est bien le même que je foulais cet été, le corps libre et le cœur léger, ou l’inverse. C’était comment la vie avant ? C’est du passé. Mon ventre se tord de peur, de douleur, de culpabilité. Toi qui peut me sauver j’ai tellement peur de t’entraîner dans mes labyrinthes sacrés, dans ma laideur congénitale, dans mes tourments de vieil enfant malheureux. Je ne sais plus de qui je parle. Qui donc vit en moi ? « Il y a deux femmes en vous » disait Depardieu dans « le dernier métro », pour draguer. Je ne drague pas. Comme Charles Denner dans « L’homme qui aimait les femmes » de ce même Truffaut, je trouve ça vulgaire de draguer. Moi j’aime, mourir à petit feu. Avant d’en arriver à la vraie échéance, débarrassé de ce ramassis poético-sentimental que l’on s’accorde par caprice, lorsque l’on a que ça à faire.